Textes et illustrations non tombés dans le domaine public sont sous copyright. Leur reproduction est strictement interdite.
© S. Fenoulière
Le quinze août 1908, le Pourquoi-pas entamait sa première croisière et quittait Le Havre pour hiverner en Antarctique, afin de poursuivre les études commencées à bord du Français, dans la partie située au sud de l’Amérique. Sans l’insistance de Charcot pour que la France réaffirmât ses droits sur la Terre Adélie, serions-nous, à l’heure actuelle, en mesure d’étudier sérieusement les profonds changements climatiques qui nous menacent ?
© S. Fenoulière Vignette créée par Pierre Le Conte, pour le courrier à bord du Pourquoi-Pas?
Il serait aussi anormal d’oublier que si Charcot fut le dernier marin découvreur de terres dans l’Antarctique, il joua un rôle extrêmement important non seulement dans la connaissance des régions polaires mais également dans l’étude de la mer car le Pourquoi-pas ? fut autant, sinon plus, un navire hydrographique qu’un navire polaire, ouvrant la voie à de nombreux chercheurs travaillant dans le cadre de l’Ifremer, de l’Institut Paul-Emile Victor, des câbles téléphoniques sous-marins, de la recherche pétrolière ou de la Marine nationale... Le bateau ne retrouva les glaces du Groenland que de façon accidentelle, en 1925. Charcot, informé par une équipe de scientifiques norvégiens travaillant à Jan Mayen, décida d’aller porter secours au Groenland à des scientifiques danois préparant la réinstallation d’Esquimaux.
Pierre Le Conte
L’œuvre peint de Pierre Le Conte, Peintre Officiel de la Marine depuis le 23 juillet 1945, reste assez peu connu, si ce n’est les quelques aquarelles et dessins reproduits ici et exposés à Saint Malo, au Musée national de la Marine au Palais de Chaillot, et à Rouen, en 1986, et quelques ouvrages publiés localement à Cherbourg, dont celui de Céline Guénolé, Pierre Le Conte, Peintre & Imagier de la Marine, Editions Isoète, très illustré, et une plaquette publiée à compte d’auteur par Monsieur Jean-Charles Arnault, Président fondateur du musée Chantereyne, Quai Pierre Le Conte, à Tourlaville.
Ami de Charcot, Pierre Le Conte participa de manière très active aux croisières du Pourquoi-pas ? de 1921 à 1928, non seulement comme peintre mais aussi comme géologue, reporter, illustrateur fiable pour le compte des scientifiques, membres de la mission, car la photo couleur n’existait pas, et même casse-cou sautant sur Rockall dans des conditions acrobatiques pour compléter la collection d’échantillons de toutes sortes...
On lui connaît peu de peintures à l’huile, mais il affectionnait manifestement l’aquarelle, les dessins à l’encre et les bois gravés. Refusé à l’Ecole Navale pour raison de santé, il consacra pourtant sa vie, comme imagier, à illustrer la marine, et même la vie à l’Ecole Navale, pour laquelle il créa, sans rancune, une plaquette. Toutes ces œuvres sont des tirages très limités, qu’il imprimait lui-même sur une ancienne presse à bras, achetée d’occasion. Ces petites plaquettes montrent non seulement la « patte » et l’humour de l’artiste, elles sont aussi l’œuvre d’un véritable historien de la marine, qui collabora à de nombreuses revues maritimes et journaux nationaux, aussi bien que locaux.
Pierre Le Conte (La mer du Groenland)
Pierre Le Conte, à genoux, recueillant des fossiles à la terre de Jameson, en 1925.
Le groupe était composé de M.M. Bailly, géologue, Idrac, Chavallier, Le Conte, Charcot, qui prenait la photo, et du matelot Moussard, « aide-géologue ».
© S. Fenoulière Pierre Le Conte, autoportrait.
Il produisit un Répertoire des navires de guerre, travail encore inachevé lorsqu’il fut nommé Peintre de la Marine, avec le soutien de Paul Chack. Pendant la guerre, leur voie divergera, l’un vers la Résistance, pour faciliter les évasions en Angleterre, l’autre vers la collaboration. Ce répertoire est encore utilisé par la Marine pour nommer les bâtiments de la Flotte. Pierre Le Conte fut arrêté le 2 août 1941 et déporté en Allemagne un mois plus tard. On essaya de faire intervenir Marin Marie pour le libérer, mais en vain.
Pierre Le Conte rédigea et illustra quelques autres ouvrages comme le livre du cinquantième anniversaire des Ateliers et Chantiers de l’Atlantique 1881 - 1931 ou celui du Bureau Veritas. Il en illustra un certain nombre d’autres, tels Bleu Marine de Louis Guichard ou les plaquettes de Virginie Hériot, en l’honneur d’Alain Gerbault, en particulier, pour le Yacht Club de France. On connaît, également, des projets d’affiches pour les Chantiers Augustin Normand.
A son retour de captivité, Pierre Le Conte ne se remit jamais du typhus, contracté en Allemagne, et il décéda le 7 septembre 1946, sans héritiers directs. En ce centième anniversaire de la première croisière du Pourquoi-pas ? et soixante-dix ans après la disparition tragique du bateau avec son équipage, nous avons souhaité montrer à quel point le Commandant Charcot et Pierre Le Conte formaient une réelle équipe en faisant commenter les illustration de l’un par l’autre.
Contrairement aux tableaux de Marin Marie, travaillés ultérieurement en atelier, les documents présentés furent pratiquement tous faits sur place. Ils constituent non seulement une part du patrimoine maritime français mais aussi danois groenlandais. Nous avons entendu le Professeur Jean Malaurie, décédé, dire, lors de l’inauguration de l’exposition Charcot, l’aventure polaire, en 1986 à Saint-Malo, où certaines de ces œuvres furent exposées, que de plus en plus d’Esquimaux groenlandais ne pratiquaient plus le kayak et ignoraient même tout de cette part de leur culture.
Caricature de Pierre Le Conte par Guy Arnoux, à bord du Pourquoi-pas ?
Texte rédigé dans un “franglais” fantaisiste :
“The famous Admiral Pierre Le Conte quitting Guernesey and keeping the commandment of the H.M.S. Pourquoi-pas, the Nelson’s emule ; in the dangerous circonstances, we are obligationed to recoure at his eleved competence, his impeccable eye’s coup, his sens of reciff evitation and of direction."
Three cheers for P. Le Conte !”
Les deux artistes étaient ensemble à bord du Pourquoi-pas ? lors de la croisière de 1921 et Marin Marie y accomplissait son service militaire comme matelot.